arreter la guerre interieure ; vaincre ses peurs ; Blandine Ladouceur

[Ni Victime, ni Guerrière] Là où tout a basculé

Temps de lecture estimé : 3 minutes

Alors que sa respiration ralentit, pour ne plus se faire qu’épisodique… Alors que sa peau est devenue cireuse et que la chaleur a déjà commencé à déserter ce corps qu’elle avait habité si longtemps… Alors qu’il fait un temps magnifique dehors… Je suis là, penchée en avant, et je lui murmure : « Bon voyage » à l’oreille...

Hôpital de Vannes (France), service de cancérologie, 2 octobre 2013, 10h45

Alors que sa respiration ralentit, pour ne plus se faire qu’épisodique…

Alors que sa peau est devenue cireuse et que la chaleur a déjà commencé à déserter ce corps qu’elle avait habité si longtemps…

Alors qu’il fait un temps magnifique dehors…

Je suis là, penchée en avant, et je lui murmure : « Bon voyage » à l’oreille, de ma voix brisée par un sanglot que je retiens lorsque je sens que son dernier souffle s’éteint, un étau enserrant ma propre poitrine. Je lui souhaite un bon voyage vers ce pays inconnu qu’est la vie après la mort, pour lequel je l’ai accompagné jusqu’à la porte.

Désormais, chacun devra poursuivre seul de son côté. J’espère que là-bas, il pourra faire ce voyage qu’il aurait tant aimé faire sur cette Terre.

Je me suis pris, au décès de mon mari, une porte en pleine figure.

Bien-sûr, il était plus âgé que moi et cela faisait 1 an qu’il se battait contre son cancer. Mais ça faisait à peine plus d’un an qu’il était enfin à la retraite.

Bien-sûr, je savais depuis maintenant 2 mois que ce qui allait se passer aujourd’hui était inévitable, la seule inconnue étant le moment où ça arriverait…

Mais il est mort avec tellement de regrets ! Tellement de choses qu’il n’avait pas pu faire dans sa vie et qui étaient vaines aujourd’hui…

Nous venions juste de déménager en Bretagne pour nous rapprocher de notre rêve : acheter un voilier pour faire le tour du monde. Ou avec la rémission de son cancer, plutôt la traversée de l’Atlantique et un tour des Caraïbes, ce qui aurait déjà été pas mal. Nous étions tellement heureux d’avoir enfin vendu cette maison que nous avions mis si longtemps à refaire et si longtemps à vendre à cause de la crise qui était passée par là. Mais sa rémission a été d’une durée éclair d’un mois et demi – un tout petit mois et demi – avant que des douleurs et de crachats suspects ne laissent envisager le pire.

Presque 10 ans que nous avions ce projet, qui avait été repoussé pour diverses raisons.

 

Parce qu’il nous manquait de l’argent pour le réaliser. Comme tout le monde.

 

Parce que nous avions une vie bien remplie et des enfants à l’école. Comme tout le monde.

 

Parce que nous pensions avoir le temps d’en profiter plus tard. Comme tout le monde…

Et là, quand il a eu connaissance de sa rechute, alors que nous allions pouvoir enfin concrétiser ce projet, tout ce que mon mari voulait, c’était un peu plus de temps. Encore un petit peu de temps. Un petit peu de rab. Un délai. S’il vous plaît. C’était presque une supplique de sa part. Je comprenais sa demande. Ça me broyait les entrailles, le cœur et l’âme.

Et ce temps-là, il ne l’a pas eu. D’ailleurs, quand dans la nuit de ce lundi 30 septembre – où je suis revenue en catastrophe à l’hôpital sur un appel des infirmières qui pensaient qu’il ne passerait pas la nuit – on m’a laissé le soin de le lui annoncer. Il respirait avec difficulté mais il était tout à fait conscient, capable de tenir une conversation et en relative « bonne forme » pour une future victime de la grande faucheuse.

Je me souviendrais toujours de son air étonné, de ses yeux arrondis dans une expression enfantine et de cette question venant droit du cœur, qui a fait exploser le mien : « Déjà ? ». Et oui, déjà…

Nous avons eu le temps de parler cette nuit-là. La mort et le délire inconscient qui la précède ont suspendu leur couperet quelques heures. J’ai eu le temps de contacter ses enfants pour leur dire les derniers mots que leur père voulait leur confier. On a eu le temps de faire le point tous les deux. Il m’a confié ses regrets que je me suis juré de ne jamais faire miens. Il est finalement tombé dans une sorte de semi-conscience avant de décéder 36h plus tard, dans mes bras.

Une expérience comme cela, où on laisse partir un compagnon de vie de 10 ans qui meurt avec tellement de regrets, ça vous marque, c’est le moins que l’on puisse dire. Moi, ça m’a marqué à tout jamais.  Au fer rouge. Ça a changé ma vie à un point tel que je ne l’aurais jamais imaginé. Parce qu’à ce moment-là, j’ai regardé ma propre vie et je me suis demandé : « Et si moi aussi je devais mourir aujourd’hui, est-ce que j’aurais des regrets ? »

Et la réponse a été sans appel : « Tellement ! ».

Depuis ce jour-là, j’ai décidé de changer ma vie pour que je puisse dorénavant vivre chaque jour non pas comme si c’était le dernier, mais en posant les actes qui font que si je devais décéder, quel que soit le moment, je n’aurais aucun regret. Parce que j’aurais réalisé certains de mes rêves et que je serais en chemin vers les autres.

Alors que sa respiration ralentit, pour ne plus se faire qu’épisodique… Alors que sa peau est devenue cireuse et que la chaleur a déjà commencé à déserter ce corps qu’elle avait habité si longtemps… Alors qu’il fait un temps magnifique dehors… Je suis là, penchée en avant, et je lui murmure : « Bon voyage » à l’oreille...

>> Ça, c’est ce que j’ai écrit en septembre 2016 <<

Aujourd’hui, en avril 2023, au moment où j’écris ces lignes, je n’ôterais pas un seul mot.

Ce texte, je l’ai écrit quand je suis en train de faire un burn-out à force de chercher à prendre une revanche sur la Vie et tenter de maintenir encore ensemble les parties de ma vie qui tombent en morceaux. J’ai à ce moment-là l’envie de transmettre ce que j’ai appris dans ma reprise de pouvoir sur ma vie en mode Guerrière, mais il est encore trop tôt car je n’ai pas conscience des dynamiques inconscientes qui motivent mes choix malgré moi.

Par exemple, le fait que je passe sous silence dans ce texte la violence conjugale que j’ai vécue pendant 10 ans est caractéristique du fonctionnement du mode Victime (j’explique plus loin de quoi il s’agit).

Alors que le mode Guerrière, dans lequel j’ai basculé au décès de mon mari, me laisse alors à bout de souffle avec un air de p’tit chevreuil dans les phares d’une voiture au milieu de l’autoroute, et la certitude absolue que si je baisse les armes, une horde de barbares va venir me piétiner dans la seconde. #SansRire

Comme tu peux déjà le voir, autant la Victime que la Guerrière sont des impasses. Impasses desquelles je ne sais pas me sortir. Chacune des deux postures me fait entretenir la guerre que je mène en moi depuis aussi loin que je me rappelle. Et je ne sais pas faire autrement que de basculer de l’une à l’autre, dans un éternel flipper auto-destructeur.

Au point que des questions lancinantes finissent par me hanter :

  • Est-ce possible de vivre ma vie sans avoir à me battre ou à me justifier ? #Enfin
  • Vais-je traverser mon existence en étant toujours, quelque part, insatisfaite de qui je suis ?
  • Existe-t-il une 3ème voie où je pourrais ne pas tomber dans le rôle de Victime, sans pour autant me sentir obligée d’être une Guerrière ? #LeRêve

Hors de la Victime et de la Guerrière, une 3ème voie existe

C’est pour parler de cette fameuse 3ème voie, hors de toute lutte de pouvoir avec moi-même (et les autres !), que j’écris ce livre (à venir).

J’y parle de consentement à soi, d’intensité assumée, de déploiement personnel, de douceur pour soi, de sérénité… bref, d’une vie passionnante, plus légère et plus sereine, qui fait envie !

 

Et comme mon mental adore la théorie, mais que mon humain galère souvent à l’appliquer dans son quotidien de manière concrète parce que ça lui paraît trop abstrait, je vais :

1/ me baser avant tout sur des exemples tirés de ma propre vie pour illustrer concrètement de quoi il s’agit

2/ universaliser quelques principes pour résumer les grandes lignes de ce que j’aimerais te transmettre.

Comme ça tout le monde est content, le cerveau analytique comme le côté terre-à-terre. #CestLaFêteDansMaTête

 

En voiture Simone (peu importe ton prénom !), parce qu’on plonge direct dans : (suite au prochain chapitre)

« Ni Victime, ni Guerrière », mon livre à venir

Cet article est le 1er chapitre de mon livre « Ni Victime, ni Guerrière » en cours d’écriture.

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