« Quelque chose manque » : voilà ce que je me dis quand je commence à lire sur les peurs en 2016.
Puis ça se transforme assez vite en la conviction qu’on « manque l’éléphant au milieu de la pièce ».
Quel éléphant ?
Quelle pièce ?
C’est ce que je vais révéler ici.
La (seule) dimension psychologique ne me satisfait pas
Dans mes lectures, je me heurte assez rapidement à une constatation : le discours sur les peurs me semble sans profondeur. Pas que ce ne soit pas détaillé ou fouillé sur un certain nombre d’aspects, non. Mais cela semble se résumer à un aspect psychologique, cognitif et comportemental uniquement.
De ce que je peux lire, les peurs sont régulièrement classées en différentes catégories. Elles sont le plus souvent abordées :
– selon l’angle analytique, en allant tenter de comprendre leur fondement inconscient
– au niveau cognitif et comportemental, pour tenter de dominer les peurs par différentes techniques et une exposition régulière à celles-ci.
Une remarque d’un camarade de maîtrise me met sur la voie de ce qui me chagrine : il appelle cela la psychologisation des enjeux.
La psychologisation des peurs
La « psychologisation » des peurs, c’est de faire de ces ressentis de peur un enjeu uniquement personnel. Quelque chose qui repose seulement sur les épaules de l’individu, sans tenir compte du contexte relationnel, familial, social ou politique qui l’a engendré.
Cela fait peser un grand poids sur l’individu, car cette manière de voir considère que lui seul est responsable de ce qui lui arrive.
Si je grossis le trait, « c’est de sa faute » s’il ne réussit pas à y faire face adéquatement.
Donc qu’il le mérite !
Bonjour la méritocratie et la justification simpliste de l’origine des inégalités. Bien pratiques pour légitimer l’ordre établi sans en pointer les angles morts et les impensés. Ben tiens !
Autant te dire que ce genre de préjugés confortables, je les détricote au petit déjeuner…
Envisager le sujet des peurs sous l’angle de la pensée complexe
Comme l’écrit John Donne « Nul homme n’est une île, un tout complet en soi. » (Dévotions en temps de crise).
Il est donc impensable pour moi d’envisager les peurs qui nous traversent sans le contexte qui les fait naître. Que l’impulsion vienne de l’intérieur de nous (physiologique, psychologique) ou de l’extérieur (relationnel, social, géopolitique).
C’est pourquoi la pensée complexe chère à Edgar Morin s’invite dans mes recherches car elle permet d’envisager le sujet sous un angle systémique. Chaque plan envisagé « dialogue » avec les autres ; ce qui apparaissait contradictoire devient alors complémentaire.
Une approche orientée solutions
J’ai imaginé une approche des peurs qui reflète mieux la réalité de ce que je vis au quotidien. Sa complexité surtout. Sans pour autant devoir toujours aller « gratter le bobo ».
Prenons un exemple :
1/ les peurs (psychologie) déjà présentes chez moi sont amplifiées par 2/ l’annonce d’un virage sécuritaire au niveau politique (géopolitique). 3/ Ces nouvelles stressantes amplifient la dérégulation de mon système nerveux (physiologie) qui était déjà mis à mal par mes peurs évoquées en 1. 4/ Ce qui me rend plus irritable et ajoute un niveau d’agressivité non négligeable dans mes conversations avec mon conjoint (relations).
Etc.
Tu mesures davantage comment tout est imbriqué et interdépendant ?
On peut voir que les différents aspects se complètent et se répondent.
Cette approche systémique des peurs que j’ai développée permet ainsi d’identifier plus rapidement et facilement les leviers sur lesquels nous pouvons agir pour diminuer notre niveau de stress général.
Logique : à chaque aspect impliqué, un éventail de stratégies adapté peut être déployé.
L’origine des peurs : la déstabilisation et le conditionnement défensif
Dans ce tâtonnement pour tenter de trouver une classification qui fasse plus de sens, je me suis demandée ce qui causait ces fameuses « peurs » que chacun vit, à différents niveaux.
J’en suis arrivée à la conclusion qu’il y a 2 origines :
- Des déstabilisations : ce sont des chocs, le plus souvent relationnels, que nous vivons majoritairement durant nos jeunes années. La jeune personne que nous sommes à l’époque n’a pas les ressources intérieures pour faire face à ce qui est là. La partie de nous blessée à ce moment-là est exilée spontanément (mise dans l’inconscient) pour ne pas trop déstabiliser l’ensemble. Cela nous permet de continuer à « fonctionner » le plus normalement possible.
- Les conditionnements défensifs : pour conserver des relations avec nos proches et ne pas risquer de mourir sans soins, nous faisons nôtre leur manière de voir. Ces conditionnements modifient notre manière de voir le monde, la vie, les gens, et de nous percevoir dans celui-ci (notre importance, notre rôle). Ils entraînent les agissements de parts protectrices pour éviter de stimuler la souffrance ou faire cesser l’inconfort / le stress / la souffrance des parties déjà exilées.
Pour moi, ce sont ces parts de nous qui sont exilées et les conditionnements destructeurs que nous avons adoptés à notre insu pour nous protéger, qui causent le terreau des peurs par une déconnexion d’avec notre « self ».
Le « self » étant notre véritable « nous-même », notre essence. Il est caractérisé par la curiosité, la compassion, le calme, la confiance, le courage, la clarté, la créativité, la connexion aux autres.
L’éléphant (enfin !) révélé : la dimension systémique des peurs
L’éléphant que mon intuition pressentait, c’est la dimension systémique plutôt que spécifique à un type de peur ou un individu.
Quand j’écris cela, j’ai l’impression d’enfoncer une porte ouverte, tellement cela paraît évident une fois énoncé ! Et pourtant, cela m’a demandé de nombreux essais et erreurs pour en arriver à la forme d’aujourd’hui : 7 ans de réflexion ont été nécessaire pour son mûrissement.
J’en suis arrivée à ce schéma sous forme de poupées russes, où le plan d’influence le plus interne est la physiologie, pour aller au plan le plus externe : la géopolitique. Chaque élément pouvant avoir une influence sur les autres, du niveau le plus personnel vers le plus transpersonnel, ou inversement.
Certains ne seront pas sensibles (voire carrément rétifs !) au plan karmique que je mentionne, ainsi qu’aux chakras. Pour ma part, il s’agit d’une expérience personnelle que je ne peux exclure de ma manière de considérer le sujet, même si j’ai un background scientifique et un esprit plutôt cartésien. J’ai appris en chemin que la démarche scientifique n’est pas l’alpha et l’oméga de la connaissance.
C’est à l’heure actuelle, selon moi, le schéma qui synthétise le mieux la complexité systémique des peurs* que nous ressentons.
*« peurs » est un terme très vague, que j’utilise volontairement ici pour coller au vocabulaire couramment utilisé. Ce terme recouvre au final un grand nombre de réalités (anxiété, angoisses, trouble de stress post-traumatique, phobies, etc.)
L’approche systémique des peurs détaillée
Voici une synthèse pour expliciter un peu plus ce que j’inclus pour chacun des éléments de cette approche systémique :
Quelques ressources que j’ai intégrées dans ma recherche :
- IFS (Internal Family System)
- Thérapie transgénérationnelle psychogénéalogique
- Pourvoir et manipulation
- Théorie polyvagale
- Le travail du Dr Brillon au sujet du trouble de stress post-traumatique
- Epigénétique
+ toute sorte d’expériences personnelles / conversations / visionnages / lectures que la boulimie de connaissances de mon HPI m’a fait ingurgiter au fil des années, qu’il me serait difficile de retracer précisément mais ont créé en moi une réflexion transdisciplinaire foisonnante.
Dans quelle pièce l’éléphant se trouve-t-il ?
Quand je parle de « l’éléphant au milieu de la pièce », la pièce en question c’est notre rapport aux peurs.
Plus précisément : notre rapport intime aux peurs. Celui que nous entretenons avec nous-mêmes quand nous expérimentons ces ressentis de peur.
Car lorsque je lis sur les peurs, ce que je trouve en majorité c’est une volonté d’éradiquer les peurs assez explicite. Or, ces peurs ne sont que le symptôme d’une déstabilisation intérieure plus ou moins ancienne. Si la stabilité intérieure est rétablie, elles disparaitront d’elles-mêmes !
Vouloir s’y attaquer pour s’en débarrasser relève donc d’une méconnaissance et d’une incompréhension du fonctionnement de notre dynamique intérieure.
Ce qui crée de problématiques conflits intérieurs, sous prétexte que c’est « pour notre bien ». C’est contre-productif !
La pièce mérite d’être agrandie et repeinte
Lorsque l’on envisage le rapport aux peurs sous un angle uniquement psychologique et cognitivo-comportemental… le risque est très grand d’entrer dans un rapport de domination vis-à-vis de ce qui a peur en nous. La promesse, le plus souvent, n’est-elle pas de « vaincre ses peurs » ? Nous laissant démunies quand cela ne fonctionne pas, malgré tous nos efforts.
Pour envisager un rapport plus serein et plus sain vis-à-vis des parts de nous qui tremblent, sans guerre de tranchées et conflits intérieurs qui minent l’estime de soi et nous mettent la pression, l’approche systémique des peurs est précieuse.
Orientée solutions, elle permet de se désidentifier des comportements problématiques ou ressentis inconfortables que la peur provoque.
Nous gagnons alors en curiosité et auto-compassion pour aller prendre soin de ce qui a été déstabilisé autrefois.
L’approche systémique des peurs permet d’agrandir et de repeindre la pièce inadaptée où se trouve coincé l’éléphant de nos peurs.
Faisons (encore) évoluer ce modèle d’approche systémique des peurs
Je sais que ce modèle d’approche systémique des peurs est perfectible car je suis persuadée qu’il y a certaines dimensions qui manquent encore, ou qui méritent d’être affinées. La science, même sociale, est un travail en perpétuel avancement !
Je continue mes recherches transdisciplinaires sur le sujet. Si quelque chose a attiré ton attention, ou tu souhaiterais ajouter / modifier un élément, toutes les remarques constructives sont les bienvenues en commentaire ou par message.
Pourquoi une approche systémique des peurs ?
Les peurs ne sont plus seulement un problème personnel qu’il faut résoudre entre nos deux oreilles.
Elles sont (enfin !) reconnues comme l’expression d’une dynamique globale à changer.
Dans notre relation à nous-mêmes, d’abord, en nous mettant à l’écoute de ce qui tremble pour comprendre, réparer et soigner ce qui a été abîmé autrefois.
Mais aussi en identifiant les différents aspects qui provoquent, renforcent ou font perdurer ces peurs pour identifier une palette de leviers d’action possibles.
C’est cela qui nous fait expérimenter plus de puissance d’action douce et efficace, de connexion à nous-mêmes et aux autres au quotidien.
Si tu souhaites expérimenter cette confiance sereine dans ta vie, viens lire ceci.